J'ai passé mon adolescence en mode "étudier pour survivre" dans le lycée de ma ville natale. On se levait à 5 heures du matin et on rentrait à la maison vers 21 heures. On félicitait les élèves qui passaient plus d'heures à étudier, ceux qui progressaient entre deux examens étaient mis en valeur dans le couloir, manger et dormir étaient militarisés, tout manque d'attention était effectivement critiqué et menacé. La seule façon de survivre est de se battre pour être le premier de la classe et de rester concentré sur la promesse d'un avenir meilleur.

J'ai eu des expériences où je tombais malade, et je me sentais réticente, honteuse d'être soignée parce que cela me faisait perdre trop de temps.

Quelques années plus tard, jeune adulte, j'ai travaillé dans l'industrie dite créative, rédigeant des articles pour promouvoir des pièces de théâtre, créant des visuels pour vendre de nouvelles lunettes de soleil, réalisant des animations 3D juste pour montrer à quel point l'oreiller est sacrément confortable. Et croyez-moi, ce n'était pas aussi joyeux et glamour que ça en a l'air. Je devais souvent rester prête jour et nuit pour un retour, un scandale apparu dans les réseaux sociaux signifiait une réunion urgente pour trouver une stratégie de vente appropriée dans le faible espoir de devenir viral. De longues réunions remplies de discussions vides de sens et de vantardises condescendantes.

Le pire de tout, c'est que les travaux créatifs que j'ai réalisés sont tous destinés à dissimuler et à manipuler dans le seul but de vendre. Qu'il s'agisse d'un objet tangible ou d'une idée, tout a été marchandisé.

Ainsi, mon expérience de main-d'œuvre humaine soigneusement cultivée, soumise à un lavage de cerveau intégral et constamment menacée par le fait d'être maintenue au bord de la survie, s'est finalement révélée être un signal d'alarme. Je n'étais pas un cas isolé, au contraire, la plupart des êtres vivants sur terre subissent cette menace et ne s'en sortent pas bien, du tout.

Cela m'amène à parler de mon éthique professionnelle. Je refuse les projets commerciaux qui se nourrissent du consumérisme, de l'élitisme et de la violence. Je trouve ma pratique dans le design éthique, le design radical, le design climatique, le design après le capitalisme etc... en bref, tout ce qui aide à démanteler la structure actuelle et à rendre visibles les efforts qui amènent une nouvelle histoire. J'aimerais être le pont entre les gens et leur créativité.

Puisque tu as été si patient et que tu as lu jusqu'ici, aller recevoir ce bisou enthousiaste :3